Fiscalité

Introduction

Actuellement, la fiscalité est basée sur une vision obsolète de la séparation et du divorce. En effet, le modèle d’une mère qui assume seule la prise en charge quotidienne des enfants et d’un père qui en assume seul la charge financière n’est plus d’actualité.

Il est surprenant de constater que même les pères qui n’obtiennent qu’un droit aux relations personnelles (droit de visite) minimal prennent tout de même en charge leur enfant entre 24 et 29% du temps (*). Le nombre de parents qui optent pour une prise en charge différente, pouvant aller jusqu’à la garde alternée à 50% chacun, est de plus en plus élevé.

(*) 14 semaines de vacances scolaires, divisées par deux font 49 jours de prise en charge par le parent non gardien (le père le plus souvent)
52 semaines moins 14 semaines = 38 semaines, soit 19 week-ends de prise en charge par le parent non gardien.
19 x 2 jours = 38 jours de prise en charge par le parent non gardien
49 jours + 38 jours = 87 jours de prise en charge par le parent non gardien (total annuel)
Divisé par 365 cela nous donne 24% de prise en charge par le parent non gardien.
Notons qu’il est très fréquent que le Tribunal accorde en plus un après-midi ou un soir en semaine, même pour les pères qui voient
très peu leur enfant, cela correspond à 38 x 0,5= 19 jours, ce qui fait un total de 106 jours, soit 29% de prise en charge par le parent non gardien.

(CROP)


Les règles fiscales en vigueur continuent à vouloir déterminer, même dans un tel cas de figure, quel est le parent prépondérant, celui qui pourvoit « à l’essentiel de l’entretien de l’enfant » pour lui accorder des avantages fiscaux auquel l’autre parent n’aura pas droit, alors même que les situations des deux parents sont très similaires. L’arbitraire de certaines de ces règles est époustouflant: ainsi, en cas de garde partagée 50/50, c’est celui des deux parents qui a le revenu net le plus élevé (ou du moins élevé dans d’autres cas) qui bénéficiera seul et en totalité du barème parental favorable, mais, attention, s’il verse une contribution d’entretien à l’autre parent, ce sera l’inverse: dans ce cas ce sera l’autre parent, celui qui reçoit la contribution d’entretien, qui bénéficiera, seul et en totalité du barème parental favorable ! (AFC, Administration fiscale des contributions, « Circulaire no. 30 », Imposition des époux et de la famille selon la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD), Berne, déc.2010, page 24 s, point 13.4.2)

Les contraintes d’horaires de travail, d’horaires de crèches et d’écoles, de distance entre lieu de travail et lieu de résidence, ainsi que les activités extrascolaires des enfants font que les parents séparés doivent trouver des solutions très éloignées du concept du « tout ou rien » toujours encore en vigueur dans l’esprit de nos lois fiscales.

Il est choquant de constater que le parent non gardien est actuellement considéré comme un célibataire. Par rapport à un « vrai » célibataire, sans enfants, un parent, même non gardien, doit assumer des frais conséquents.

Le fait que les deux parents continuent à s’impliquer dans leur tâches parentales après séparation/divorce est en train de devenir la norme pour les jeunes parents et c’est réjouissant. Ainsi, au delà de la séparation, les enfants peuvent se construire solidement et s’appuyer sur leurs deux parents. La fiscalité doit par conséquent s’y adapter.

Les iniquités fiscales actuelles entre parents séparés/divorcés

  1. La contribution versée pour l’entretien de l’enfant majeur en formation n’est pas déductible (depuis la loi fédérale sur l’harmonisation fiscale de 2001)
    • Le pourvoyeur de la contribution paye donc des impôts sur un revenu dont il n’a pas la jouissance.
    • Il fait également face à une augmentation de son taux d’imposition en raison de l’augmentation du revenu imposable.
    • Cela a pour résultat un appauvrissement du parent concerné et une diminution de ses moyens à un âge de l’enfant où ses besoins sont généralement plus élevés (études).
    • De plus, cette situation peut, par effet de seuil, pénaliser l’enfant lors par exemple de demande de bourse d’études, le revenu retenu pour le parent versant la contribution d’entretien étant plus élevé que la réalité.
    • Où est l’intérêt de l’enfant dans cette aberration fiscale qui dure depuis trop longtemps ?
  2. Dès lors qu’une contribution est versée pour l’entretien de l’enfant mineur ou majeur et même en cas de garde alternée (Arrêt 2A.107/2007):
    • le barème fiscal avantageux est accordé au parent bénéficiaire de la contribution et le barème désavantageux au parent contributeur.
    • la part de charge de famille est accordée au parent bénéficiaire de la contribution et aucune part (pas même une demi-part dans le cas de la garde alternée) n’est accordée au parent contributeur alors même que la loi prévoit « Lorsqu’une personne est à charge de plusieurs contribuables, la déduction est répartie entre ceux-ci. » (Feuille cantonale de l’Administration Fédérale des Contributions, AFC, Etat de Genève, février 2023)
    • les frais réels (frais de santé, de garde …) payés directement par le débiteur de la contribution d’entretien ne sont pas déductibles, même quand il y est condamné par un jugement et qu’il peut en attester (jugement, factures).
  3. La déduction pour frais de garde des enfants (garderies, centres aérés, colonies de vacances) n’est actuellement possible que jusqu’aux 14 ans de l’enfant (alors que par exemple sur le canton de Genève, la constitution genevoise a reconnu la nécessité de la formation et de l’encadrement des jeunes jusqu’à 18 ans).

En raison du principe d’égalité et de non-discrimination, ainsi que du principe de co-responsabilité parentale, il n’est pas défendable de maintenir une fiscalité basée sur le modèle historique « mère gardienne – père pourvoyeur » incitant aux abus.

Ces dispositions ont pour conséquences notables :

  • De nier fiscalement l’existence des frais réels d’hébergement et d’entretien à charge du parent contributeur qui reçoit pourtant ses enfants de 25% du temps pour un droit de visite non étendu (correspondant à un week-end sur deux plus la moitié des vacances scolaires, ramenés aux 365 jours de l’année) à 50% du temps (moyenne pour une garde alternée, celle-ci devenant la norme). Notons que la chambre pour recevoir les enfants est une condition requise pour qu’un jugement autorise à les accueillir et que le loyer d’un logement reste le même, que les enfants occupent leur chambre à 25%, 50% ou 80% du temps.
  • De détériorer gravement la situation budgétaire du parent contributeur par un envol mécanique et souvent démesuré de l’imposition quand on le ramène à la différence de salaire ayant initialement justifié aux yeux du juge la détermination d’une pension (particulièrement valable pour les revenus modestes). Non seulement le parent payeur n’est pas reconnu pour sa contribution, mais il se trouve en quelque sorte « puni » de l’aide qu’il apporte à l’autre parent !
  • De voir la fiscalité des parents séparés aller à l’encontre de l’évolution récente du droit de la famille (code civil et sa pratique promue par le Tribunal Fédéral, principe de cohérence) qui favorise l’apaisement des conflits et un traitement d’égal à égal des deux parents post-séparation (autorité parentale conjointe par défaut depuis juillet 2014, garde alternée encouragée depuis janvier 2017 …)
  • D’amener les aspects fiscaux à dicter le mode de garde (partagée vs exclusive) contre l’intérêt supérieur de l’enfant.
  • D’offrir une « prime fiscale » au conflit entre les parents et d’entrainer des effets délétères sur les enfants en souffrance ainsi que l’appauvrissement des deux ménages (procédure plus longue, frais d’avocats plus élevés).
  • De créer un sentiment d’injustice chez le parent contributeur, nuisible à la nécessaire acceptation de l’impôt par les contribuables. Il est soumis à une double peine. Cela ne peut que nuire à son acceptation de la situation, à la fois en tant que parent, mais aussi en tant que contribuable.

« Par exemple, plus d’un tiers des parents sondés affirment être dérangés par le fait qu’ils ne peuvent déclarer qu’un seul domicile pour leur enfant. Conséquences: des désavantages au niveau des déductions fiscales, des frais de garde ou des réductions de primes. »

(Rapport de la Commission fédérale pour les questions familiales (COFF), décembre 2022)

Nos propositions d’améliorations :

  1. Que la contribution d’entretien soit déductible entièrement et sans condition de montant minimum/maximum pour les enfants majeurs en formation jusqu’à 25 ans.
  2. Que l’égalité parentale instaurée récemment avec la garde alternée encouragée par les tribunaux, se traduise également fiscalement, même lorsqu’une contribution est versée :
  3. Qu’en cas de garde usuelle à l’un des parents et droit aux relations personnelles à l’autre, avec ou sans contribution d’entretien, un traitement fiscal équitable soit appliqué aux deux parents séparés :
    • en répartissant la charge de famille entre les parents au prorata du temps déterminé par le jugement. 
    • en appliquant à chacun des deux parents un barème fiscal adapté au prorata du temps déterminé par le jugement.
    • en permettant aux deux parents de déduire les frais qu’ils se seraient répartis (santé, garde …) car certains parents paient directement des frais en plus de la contribution d’entretien.
  4. Étendre la déductibilité des frais de garde jusqu’à 18 ans pour tous les enfants en formation. La constitution genevoise ayant reconnu la nécessité de la formation et de l’encadrement des jeunes jusqu’à 18 ans, cette déduction devrait donc être étendue. Il paraît également souhaitable d’en informer les parents car peu d’entre eux savent que les cotisations liées aux activités parascolaires (sport, musique, cours d’appui scolaires, inscriptions aux camps de vacances …) sont déductibles au titre de frais de garde. Une meilleure information permettra à plus d’enfants d’en bénéficier, ce qui est favorable à leur développement.

Les derniers développements :

Le 30 août 2021, la Commission pour l’économie et les redevances du Conseil des Etats a traité d’une initiative déposée par le Canton de Genève en faveur de la déduction fiscale des contributions d’entretien pour enfants majeurs en formation. Il s’agit d’une de nos revendications de longue date face à une anomalie fiscale qui met en grande difficulté financière des parents d’enfants de plus de 18 ans, dont ils ne peuvent déduire les contributions d’entretien. La commission a refusé d’entrer en matière, mais la commission du Conseil national l’a approuvée et le processus parlementaire se poursuit. Voici notre Communication aux Conseillers aux Etats « Déductions des contributions d’entretien versées aux enfants adultes » du 27 août 2021.

Preuve de notre implication dans le temps dans ce processus d’amélioration de la fiscalité des parents séparés/divorcés en Suisse, voici notre réponse à la consultation de 2012 sur la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) (imposition équilibrée des couples et de la famille).

Concernant le sujet de la déductibilité des

Les contributions d’entretien versées à un enfant majeur de moins de 25 ans en formation devraient être déductibles des impôts. Le National a accepté le 13 mars 2024 la motion 23.3743 en ce sens de Philippe Nantermod (PLR/VS). Le Conseil des Etats doit encore confirmer la décision.

« La CROP estime que le critère de l’«autorité parentale» n’est plus approprié. À ses yeux, le facteur déterminant est le mode de répartition de prise en charge des enfants entre parents et leurs contributions financières respectives à l’entretien de leur enfant. »

(Rapport sur les résultats de la consultation relative à la loi fédérale sur l’imposition individuelle (Département fédéral des finances DFF, 9 août 2023)

Plus récente, la prise de position de la CROP envoyée à l’administration fédérale (CROP, 17 mars 2023) dans le cadre de la consultation relative à la loi fédérale sur l’imposition individuelle. En tout, 87 destinataires ont été invités à participer à la consultation. L’Administration fédérale des contributions (AFC) a reçu 103 avis (7 partis, les 26 cantons, 65 organisations, 5 particuliers), dont celui de la CROP. Voici le rapport sur les résultats de cette consultation de 2023 (dans laquelle on retrouve une partie de nos propositions). Nous agissons pour que l’éventuelle loi sur l’imposition individuelle puisse apporter plus de justice fiscale aux parents séparés/divorcés, et ainsi ne plus être, entre autres conséquences, un frein fiscal à une attribution plus large de la garde alternée pour un plus grand nombre d’enfants en Suisse.

« Actuellement, en cas de garde partagée, chaque parent peut déduire une demi-charge par enfant, à l’exception du parent qui verse à l’autre parent une contribution d’entretien (destinée à l’enfant). En maintenant cette exception, le projet mis en consultation continue d’appliquer un mode d’imposition inéquitable et injuste pour le parent débiteur. Pour être équitables, les déductions fiscales doivent être modulables et réparties pour chaque parent au prorata du temps que l’enfant passe auprès de chaque parent. Pour les parents séparés, vu que deux ménages doivent être équipés pour recevoir les enfants, la déduction doit être augmentée par un facteur de 1,8 (CROP). D’autres participants à la consultation exigent la répartition par moitié en cas d’autorité parentale conjointe et de garde partagée, même si l’un des parents paie des pensions alimentaires pour les enfants, étant donné que les deux parents assument les charges correspondantes, indépendamment des contributions d’entretien versées. Il est donc indispensable d’adapter la pratique (O.Grobet, D. Stämpfli, IGM Schweiz). »

(Rapport sur les résultats de la consultation relative à la loi fédérale sur l’imposition individuelle (Département fédéral des finances DFF, 9 août 2023)

Les actions de la CROP en rapport avec la fiscalité :

En savoir plus :