Contribution d’entretien

Les travers du droit et de la pratique actuels

Les pères attendent une plus grande équité et la reconnaissance du principe de co-responsabilité parentale, notamment concernant l’entretien de l’enfant.

Le droit actuel ne cherche malheureusement pas à renforcer l’autonomie et la responsabilité des parents qui se séparent, mais les maintient dans la dépendance de décisions judiciaires. Ce faisant, il ne tient pas compte de la volonté de rééquilibrer les responsabilités parentales exprimée dans la révision du régime de l’autorité parentale (en place depuis le 1er juillet 2014). Or il est de l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il puisse grandir, après une rupture familiale, dans une constellation familiale saine et dans deux foyers économiquement et décemment viables.

Concrètement, dans le calcul des contributions d’entretien, le droit et la pratique actuels ne prennent pas en considération toutes les charges incompressibles que les deux parents ont à supporter, de même que tous les revenus.

Côté charges, les impôts du débiteur n’étaient pas censés être pris en considération jusqu’à l’arrêt 5A.311/2019 (ATF 147 III 265) du 11 novembre 2020 (nous attendons de constater sur un temps assez long, ce que ça donne en pratique), alors qu’ils sont proportionnellement plus élevés (tarif des personnes seules s’il n’a pas formé un nouveau couple, déductions minimes, taux d’imposition plus élevé, voir notre dossier Fiscalité), pas plus que les frais d’hébergement et d’accueil de l’enfant chez le parent non gardien, lors de la prise en charge (« visites ») par celui-ci (*). Côté revenus, les allocations pour enfants ne sont pas intégrées dans les calculs des contributions d’entretien, pas plus que les divers types d’aides sociales. Ce système ne donne aucune garantie d’un partage équilibré des ressources et des sacrifices, surtout lorsque les ressources sont insuffisantes.

« Reste également à déterminer dans quelle mesure la part au loyer doit être prise en compte chez chaque parent, lorsque la prise en charge quotidienne de l’enfant se répartit entre eux. A notre sens, dès lors que l’enfant se rend régulièrement chez les deux parents, y compris durant la semaine, et même sans que cela n’atteigne une garde alternée totalement égale, une part au loyer de l’enfant chez chaque parent devrait être admise. »

(Newsletter de janvier 2021 de la faculté de droit de l’Université de Neuchâtel)

En plus des déductions obligatoires sur les salaires (AVS/AI/AC, prévoyance professionnelle), les charges incompressibles comprennent notamment:

  • les frais d’entretien (nourriture, habillement, linges, soins, etc.)
  • le loyer ou les charges financières (cas de la propriété) d’un logement décent et adapté aux besoins de la vie en famille
  • les frais de garde des enfants et les frais de déplacement des enfants d’un parent à l’autre
  • les cotisations de l’assurance-maladie
  • les impôts
  • les frais d’obtention du revenu
  • les autres dépenses indispensables reconnues par les instances sociales et de poursuites.

(*) 14 semaines de vacances scolaires, divisées par deux font 49 jours de prise en charge par le parent non gardien (le père le plus souvent)
52 semaines moins 14 semaines = 38 semaines, soit 19 week-ends de prise en charge par le parent non gardien.
19 x 2 jours = 38 jours de prise en charge par le parent non gardien
49 jours + 38 jours = 87 jours de prise en charge par le parent non gardien (total annuel)
Divisé par 365 cela nous donne 24% de prise en charge par le parent non gardien.
Notons qu’il est très fréquent que le Tribunal accorde en plus un après-midi ou un soir en semaine, même pour les pères qui voient
très peu leur enfant, cela correspond à 38 x 0,5= 19 jours, ce qui fait un total de 106 jours, soit 29% de prise en charge par le parent non gardien.

(CROP)

Les revenus comprennent quant à eux essentiellement:

  • le revenu net des activités professionnelles
  • les allocations familiales (pour enfants et autres éventuelles allocations)
  • les aides sociales éventuelles (aide au logement, subsides pour les primes d’assurance-maladie, etc.)
  • les bourses éventuellement perçues par les enfants pour leur formation
  • d’autres revenus éventuels.

La prise en compte de toutes les charges incompressibles et de tous les revenus sus-mentionnés serait conforme aux principes d’équité et de transparence. Or le système actuel ouvre la porte à des rentes de situation qui sont bien tentantes pour certaines catégories de femmes et n’est ainsi pas de nature à les inciter à retrouver ou maintenir leur indépendance financière et leur activité professionnelle. Le système actuel incite clairement aux abus de droit. Les exemples sont légion.

Par ailleurs, le principe dit de l’intangibilité du minimum vital du débiteur est trompeur car le débiteur peut bel et bien se retrouver lui-même au-dessous du seuil de pauvreté, sans aucun droit à l’aide sociale, les impôts (jusqu’à l’arrêt 5A.311/2019 (ATF 147 III 265) du 11 novembre 2020, nous attendons de constater ce que ça donne en pratique) et les contributions d’entretien n’étant pas prises en considération lors de l’examen d’une demande d’aide présentée par un débiteur, conformément à la jurisprudence du TF. A l’inverse, les ressources du bénéficiaire des contributions d’entretien, majoritairement les mères, ne tiennent pas compte de toutes les prestations auxquelles il a droit: allocations familiales (attribuées en sus de la contribution d’entretien), diverses aides sociales.

Les pères attendaient du nouveau droit d’entretien (en place depuis le 1er janvier 2017) qu’il assure un partage équitable et loyal de toutes les obligations et de tous les privilèges liés à la fonction de parent. En outre, le nouveau droit aurait dû également veiller à ne pas créer des rentes de situation. Nous sommes bien loin du compte. Le fait d’enfanter ne donne pas le droit à une mère de se faire entretenir pendant de longues années. Co-responsable en droit de la rupture du couple conjugal, elle doit logiquement en assumer la part des conséquences qui lui revient.

Le passage en cours au régime du partage de la responsabilité parentale (généralisation de la garde alternée) nécessite une approche complètement différente de la question de l’entretien et de la prise en charge de l’enfant par les deux parents (principe de cohérence). Or le système actuel tend à proroger une répartition des tâches entre pères et mères qui n’a plus cours et qui va à l’encontre de l’encouragement à la conciliation entre vie familiale et professionnelle pour les deux parents, ainsi qu’à l’encontre de la promotion des conditions permettant aux mères d’évoluer dans le cadre professionnel. Ce nouveau droit n’est par ailleurs pas adapté aux formes multiples des familles de notre temps, mais tend au contraire à pérenniser des modèles aujourd’hui complètement révolus, en particulier le modèle « mère gardienne – père pourvoyeur ».

Comparaison internationale

Les contributions d’entretien sont très élevées en Suisse. L’OCDE a comparé en 2010 les pensions versées par les débiteurs de rentes dans 14 pays industrialisés (OECD 2010, Pfl. 5 Child Support, OECD Family database). Il en ressort qu’en Suisse, la moyenne des contributions d’entretien par enfant, corrigée par le pouvoir d’achat, équivalait en 2004 à plus du double de celles versées dans les 13 autres pays. Elles représentaient 35% en moyenne du revenu net des foyers monoparentaux gardiens (les mères le plus souvent) et 49,7% du revenu net disponible des foyers monoparentaux non gardiens (les pères le plus souvent), contre 9,4% à 30% dans les autres pays.

Ces chiffres montrent que :

  1. Le niveau des pensions versées en Suisse est très élevé en comparaison internationale,
  2. La part du revenu des foyers monoparentaux de parents gardiens provenant d’une activité professionnelle est relativement faible en Suisse.

Ceci est manifestement le résultat des travers de notre système, évoqués ci-dessus.

Au Canada, différentes modalités utilisées pour calculer les contributions d’entretien ont influé sur le taux de divorce, l’une d’elles créant une incitation au divorce (Child support Guidelines and Divorce Incentives » Allen D.W et M. Brinig (2010).

Nos demandes

Nous demandons la prise compte de toutes les charges incompressibles et de tous les revenus sus-mentionnés dans un souci d’équité et de transparence. Nous réclamons une adaptation aux formes multiples des familles de notre temps, et donc la fin du modèle « mère gardienne – père pourvoyeur ».

Ces attentes avaient été exprimées par les pères dans le catalogue adressé à la Conseillère fédérale Sommaruga en 2012 mais n’ont pas été prises en compte. Les pères ont impression de n’avoir pas été entendus lors de la table ronde du 30 avril 2012 organisée par Madame Sommaruga, Conseillère fédérale. Il semble que tout était d’avance ficelé, ce qui s’est confirmé à la publication de l’avant-projet de loi, en dépit des dénégations de Mme Sommaruga (lettre à la CROP du 30 mai 2012). On n’a trouvé aucune disposition qui apporterait une correction spécifique aux défauts graves du système actuel, signalés par les pères.

« Les personnes vivant seules qui s’acquittent d’une pension alimentaire sont en règle générale de sexe masculin (à 96%). »

(Les familles en Suisse, OFS 2021, page 70)

Evolution récente

Harmonisation de la méthode de calcul des contributions d’entretien (méthode des frais de subsistance)

Le Tribunal Fédéral (TF) de Lausanne a tenu le 17 mai 2018 une séance publique concernant les contributions d’entretien lors des décisions de protection des liens conjugaux. La CROP était présente. Le Tribunal Fédéral avait été appelé à statuer sur la remise en cause des décisions de protection du lien conjugal établis par le tribunal cantonal de Genève à propos d’un couple marié.

Le TF en a profité pour soulever plusieurs points d’intérêt majeur tels que :

  1. Le choix du mode de calcul de la contribution d’entretien
  2. Le fait que  » les pensions soient dues sous déduction des montants déjà versés » (le tribunal cantonal genevois avait « oublié » ce point de détail dans son jugement !)
  3. Que le parent gardien soit soumis à un revenu hypothétique ou une reprise du travail à temps partiel selon un autre modèle que la règle des 10/16 ans en vigueur à l’époque.

En définitive, le TF a botté en touche pour la règle des 10/16 mais a reconnu la décision du tribunal de Genève qui avait calculé un revenu hypothétique pour le parent gardien de l’enfant de 4 ans (ce qui rend quasi officiellement caduque la règle des 10/16 ans et la jurisprudence y référent). Par contre, il a été reconnu que les montants déjà versés en trop pouvaient être déduits des contributions à venir. Et enfin, la jurisprudence effective porte sur une harmonisation du calcul des contributions d’entretien qui se fera selon la méthode des frais de subsistance, ce qui était déjà le cas pour plus de la moitié des cantons (communiqué de presse du TF).

Plus récemment, dans son Arrêt 5A.311/2019 (ATF 147 III 265) du 11 novembre 2020, le Tribunal Fédéral a apporté des précisions bienvenues et une méthode obligatoire pour toute la Suisse. En effet, depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit sur les contributions d’entretien en 2017, les méthodes de calcul et, par conséquent, les décisions des tribunaux restaient variables. Ce nouvel arrêt du TF est venu éclaircir les principes et fixe une méthode de calcul complète applicable pour toute la Suisse, incluant presque dans les moindres détails les postes de charge à prendre en considération. Ainsi, le Tribunal fédéral reconnaît désormais que les coûts directs de l’enfant comprennent une part d’impôts au moment d’établir le minimum vital du droit de la famille. Jusqu’ici, cette part d’impôts n’était pas calculée systématiquement dans les coûts de l’enfant. Par ailleurs, le Tribunal fédéral, considère inadmissible de prendre en compte des postes de dépenses supplémentaires comme les voyages ou les loisirs. Ces dépenses doivent être financés au moyen de la répartition de l’excédent, s’il existe. Tout n’est cependant pas réglé avec cet arrêt, comme le montant de la part au loyer des enfants, ou la répartition de l’excédent. Une certaine marge d’appréciation, certes réduite, est donc toujours laissée à la discrétion des tribunaux cantonaux. Plus de détails dans la Newsletter de janvier 2021 de la faculté de droit de l’Université de Neuchâtel.

Abandon de la « règle des 45 ans »

Dans d’autres arrêts, le Tribunal fédéral a clarifié quelques autres principes du droit du divorce. La « règle des 45 ans » a été abandonnée, elle prévoyait qu’un conjoint ne pouvait plus être tenu de gagner sa vie (et qu’il fallait donc l’entretenir) s’il n’avait pas travaillé pendant le mariage et était âgé de plus de 45 ans au moment de la dissolution du ménage ou du divorce. Dans la pratique, ça se faisait au bénéfice de l’ex-femme et rarement de l’ex-mari. La nouvelle jurisprudence affirme désormais qu’il faut toujours partir du principe que l’on peut raisonnablement attendre du conjoint qu’il travaille, pour autant que cette possibilité existe effectivement et qu’aucun motif, comme la garde de jeunes enfants, ne s’y oppose. Les circonstances concrètes comme l’âge, la santé, les activités antérieures, les langues parlées, le marché du travail, sont décisives.

«Le TF va vers une autonomie après le divorce, un principe qui était déjà prévu par la loi»

«une pression nouvelle est exercée sur les femmes pour qu’elles travaillent»

(Me Nuzzo, avocat, 20 Minutes, 25 octobre 2021)
Interview de Père Pour Toujours Genève, RTS, le 19H30 du 28 mai 2022

Notion de mariage ayant influencé la situation financière d’un époux (lebensprägend)

Le Tribunal fédéral a clarifié la notion de mariage qui a concrètement influencé la situation financière d’un époux. Cette condition autorise l’épous(e) à conserver son niveau de vie. Dans l’ancienne pratique, cette condition était validée au bout de dix ans ou s’il le couple avait un d’enfant en commun. C’était donc un « tout ou rien » problématique. La dernière jurisprudence prévoit donc de vérifier si le mariage a eu une influence décisive sur la vie des époux (« Le TF change sa jurisprudence pour les contributions d’entretien, La Liberté, 9 mars 2021).

La règle des 10/16 ans

Avec son arrêt 5A_384/2018 du 21 septembre 2018, le Tribunal fédéral a révisé l’ancienne jurisprudence “des 10/16 ans” qui se refusait à exiger d’un parent gardien qu’il prenne une activité lucrative d’un taux minimum de 50% avant les 10 ans du plus jeunes des enfants, et 100% avant ses 16 ans.

Le parent gardien est désormais censé exercer une activité professionnelle à 50% dès la scolarisation obligatoire du cadet, à 80% dès son entrée au niveau secondaire, puis à 100% dès ses 16 ans. Si ce n’est pas le cas, un revenu hypothétique pourra être appliqué. Ceci incite enfin le parent gardien à retrouver ou maintenir son indépendance financière par une activité professionnelle, dans un esprit cherchant à limiter les abus de droit.

D’ailleurs les normes de la CSIAS, tout comme les législations de plusieurs pays européens, considèrent qu’on est en droit d’attendre du parent gardien qu’il se remette à travailler lorsque le dernier enfant a atteint 3 ans révolus.

Interview de Père Pour Toujours Genève sur Radio cité (Genève), à propos de la fin de la « règle des 10/16 ans » pour le calcul des contributions d’entretien (suite à l’arrêt 5A_384/2018 du TF du 21 septembre 2018)

Les actions de la CROP en rapport avec les contributions d’entretien :

En savoir plus :

  • Contributions d’entretien: un peu de modération SVP (Chronique de Philippe Nantermod, Blick, le 15 décembre 2022)
  • En prison pour des pensions alimentaires restées impayées (20 Minutes, 7 octobre 2022)
  • Le Tribunal fédéral abandonne la règle « des 45 ans »: les personnes divorcées devraient chercher du travail en cas de séparation (RTS, 19H30, 3 minutes, 28 mai 2022)
  • Précision de la notion de mariage ayant exercé un impact déterminant sur la vie d’un couple (LawInside, 18 mai 2022)
  • Mariage lebensprägend ? – La présence d’enfants communs n’est plus suffisante (Newsletter de mai 2022 de la faculté de droit de l’Université de Neuchâtel, 18 mai 2022)
  • Pensions alimentaires entre époux après divorce: le Tribunal fédéral confirme le principe de l’indépendance financière (Blog de Me Anaïs Brodard, 6 mai 2022)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_568/2021 (25 mars 2022)
  • Divorcer sans avoir de boulot, de plus en plus compliqué (20 Minutes, 25 octobre 2021)
  • La pension alimentaire pourrait devenir plus chère pour les divorcés (Le Matin, 1er novembre 2021)
  • Le point sur les contributions d’entretien (RTS, On en parle, 13 minutes, 17 mars 2021)
  • Le TF change sa jurisprudence pour les contributions d’entretien (La Liberté, 9 mars 2021)
  • Entretien de l’enfant : des précisions bienvenues et une méthode obligatoire pour toute la Suisse (Arrêt 5A.311/2019 (ATF 147 III 265), 11 novembre 2020, Newsletter de janvier 2021 de la faculté de droit de l’UNINE): Depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit sur les contributions d’entretien en 2017, les méthodes de calcul et, par conséquent, les décisions des tribunaux restaient variables. Un nouvel arrêt du TF vient éclaircir les principes et fixe une méthode de calcul complète applicable pour toute la Suisse, incluant presque dans les moindres détails les postes de charge à prendre en considération.
  • Contributions d’entretien entre ex-époux : abolition de la règle des 45 ans (LawInside, 22 mai 2021)
  • Contribution d’entretien conjugal : précisions et clarifications (LawInside, 1er mai 2021)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_800/2019 (9 février 2021)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_891/2018 (2 février 2021)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_104/2018 (2 février 2021)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_311/2019 ((ATF 147 III 265, 11 novembre 2020)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_907/2018 (3 novembre 2020)
  • Contributions d’entretien en faveur des enfants en cas de séparation/divorce: montant, durée, le Tribunal fédéral en ébullition ! (Blog de Me Anaïs Brodard, 9 octobre 2018)
  • Arrêt du Tribunal Fédéral 5A_384/2018 (21 septembre 2018): fin de la règle des « 10/16 ans ».
  • Communiqué de presse du Tribunal Fédéral (Tribunal Fédéral, 17 mai 2018)
  • Le Tribunal fédéral met fin à la cacophonie des pensions alimentaires (Le Temps, 17 mai 2018)
  • L’autorité parentale conjointe et la garde alternée en droit suisse (Michelle Cottier, Université de Genève, 2017)
  • Nouveau droit régissant les contributions d’entretien : Lettre ouverte aux membres du Conseil des États et aux médias (27 novembre 2014)
  • Dette cumulée durant la séparation et minimum vital (Arrêt 5C.77/2006, 14 décembre 2006) : Une mère de famille a reçu 81 000 fr. d’allocations d’aide sociale entre le moment où elle s’est séparée de son mari et le divorce. Comme elle risque de devoir rembourser un jour cette somme, elle a demandé que sa pension alimentaire soit prolongée dans le temps. Le Tribunal fédéral n’accepte pas ce type de compensation. Il rappelle que la contribution d’entretien versée en raison du divorce n’a pas à tenir compte de la situation qui a prévalu avant le jugement. De plus, le débiteur de la rente, en l’occurrence l’ex-mari, doit pouvoir disposer du minimum vital.
  • Majeur, on ne peut prendre ses parents pour de simples tiroirs-caisses (Arrêt 5C.260/2002, 6 mars 2003): Parvenus à la majorité, les enfants ne sauraient considérer leurs parents que comme des tiroirs-caisses. C’est, en substance, ce qu’affirme le Tribunal fédéral dans un arrêt diffusé. Les juges ont refusé de contraindre un père à verser une contribution d’entretien à sa fille, une étudiante en droit de 24 ans qui, à la suite du divorce houleux de ses parents, refusait tout contact avec lui. A cet âge, objecte le TF, on peut attendre d’un adulte qu’il prenne de la distance avec des conflits familiaux nés d’un divorce remontant, dans le cas précis, à quelque treize ans. Dans ces circonstances, un parent ne saurait être contraint de payer pour un enfant majeur, même encore aux études, qui ne lui parle plus.Les père et mère ont certes le devoir d’entretenir leurs enfants au-delà de l’âge de la majorité si ces derniers n’ont pas encore, à ce moment, une «formation appropriée» leur permettant de subvenir seuls à leurs besoins. Il faut toutefois que les circonstances permettent de l’exiger des parents. Tel peut ne pas être le cas lorsqu’un enfant majeur refuse toute relation. En principe, plus le temps passe, estiment les juges, moins on sera enclin à admettre des circonstances atténuantes permettant de mettre l’attitude de rejet de l’enfant sur le compte d’un conflit qu’il n’a pas encore pu résoudre. 
  • Enfant devenu majeur en cours de divorce (Arrêt 5C.42/2002, 26 septembre 2002) : Lors d’une procédure de divorce, un juge genevois a fixé les contributions d’entretien dues par l’ex-époux à son ex-épouse et à ses deux enfants encore mineurs. Toutefois, l’un des enfants est devenu majeur en cours de procédure. Le Tribunal fédéral estime donc qu’il doit être consulté sur la contribution d’entretien qui lui revient. S’il approuve le montant retenu, le procès est poursuivi par le parent qui détenait l’autorité parentale. Cela évite à l’enfant majeur de devoir intenter une action contre son père et cela permet au juge du divorce de fixer en même temps toutes les contributions d’entretien.
  • La femme peut être contrainte de retravailler (Arrêt 5P.347/2001, 14 décembre 2001): Un couple de Saint-Gallois a obtenu la séparation de corps: la garde des enfants a été attribuée à l’époux, tandis que l’épouse bénéficie d’une pension alimentaire de 1170 fr. pendant 4 mois. Comme elle s’est occupée du ménage et de la famille pendant plus de 20 ans, sans travailler à l’extérieur, on peut attendre d’elle qu’elle reprenne une activité professionnelle à 50%, mais pas plus. Tel était du moins le raisonnement du Tribunal cantonal. Le Tribunal fédéral voit les choses différemment: comme l’épouse n’est âgée que de 41 ans et se retrouve sans enfants à charge, il est raisonnable de lui demander de travailler à plein temps. D’autant plus que la séparation de corps débouchera certainement sur un divorce.
  • Large devoir d’assistance entre époux (Arrêt 5C.219/2000, 16 janvier 2001): Un homme a eu un enfant hors mariage, mais n’a pas les moyens de payer sa pension alimentaire. C’est qu’avec son revenu, il parvient tout juste à faire vivre sa femme et ses deux enfants « légitimes ». Le Tribunal fédéral estime que dans un cas comme celui-là, le devoir d’assistance entre époux consacré par le Code civil doit aussi être respecté. L’épouse est donc tenue d’aider son mari infidèle à payer la contribution d’entretien! Même si, pour cela, elle doit chercher un travail rémunéré, ou mieux rémunéré.
  • Femmes divorcées, limite de la pension alimentaire (Arrêt 5C.222/2000, résumé, 15 janvier 2001): Un couple d’Allemands installé à Genève a divorcé en février 2000, alors que l’épouse était âgée de 44 ans. Celle-ci s’est opposée au versement d’une pension alimentaire limitée dans le temps (à trois ans), avec des montants dégressifs. Comme elle a arrêté de travailler pendant 17 ans pour s’occuper du fils du couple, elle estime qu’elle n’est plus à même de revenir sur le marché du travail. Elle avance aussi qu’elle est proche de la limite de 45 ans, au-delà de laquelle le Tribunal Fédéral estime qu’il est difficile pour une ménagère de retravailler pour subvenir entièrement à ses besoins. Le TF n’a rien voulu entendre: avec sa profession d’employée de commerce, la recourante est à même de retrouver du travail, même après une longue « pause ». Elle aurait d’ailleurs dû s’y atteler pendant la séparation de corps, qui a duré cinq ans.